Elle enseignait les numéros
et les couleurs de l'arc-en-ciel,
comme autant de petits barreaux
pour se construire une grande échelle.
Elle leur a donné l'ABC,
leur offrait des récitations
à tous ces enfants mal armés
en guise de petites munitions.
Elle leur parlait de tous les livres,
elle leur a appris toutes les lettres
pour devenir des hommes libres
et se fabriquer des fenêtres.
Et même le dernier des cancres
écoutait La chartreuse de Parme.
Elle disait qu'une main tachée d'encre
est une main qui ne tiendra pas d'arme.
Elle leur apprenait, voyez-vous,
qu'un livre peut changer une vie.
Elle leur apprenait, voyez-vous,
qu'un livre peut être un ami.
Elle avait le rêve un peu fou
qu'un livre peut changer une vie,
et qu'il n'y a de voyous
que des gens qui n'ont rien appris.
Aujourd'hui, je repense à elle,
à toutes les vies qu'elle a changées,
avec ses consonnes et voyelles
et toutes les phrases qu'elle a semées.
Je la revois à son bureau,
la tête penchée sur le côté,
en train de réparer leurs mots
comme on soignerait des blessés.
Elle leur apprenait, voyez-vous,
qu'un livre peut changer une vie.
Elle leur apprenait, voyez-vous,
qu'un livre peut être un ami.
Elle avait le rêve un peu fou
qu'un livre peut changer une vie,
et qu'il n'y a de voyous
que des gens qui n'ont rien appris.
Cette maîtresse, c'était ma mère,
de l'avoir un peu partagée
je me sens riche de sœurs et frères
que je n'ai jamais rencontrés.
Fleurs libres et fleurs sauvages
que la vie puisse les arroser
d'amour, de savoir et d'ouvrage
autant qu'un jardín, de pensées.
Elle leur apprenait, voyez-vous,
qu'un livre peut changer une vie.
Elle leur apprenait, voyez-vous,
qu'un livre peut être un ami.
Elle avait ce rêve un peu fou
qu'un livre peut être un ami.
Peut être un ami.
Peut être un ami.
Peut être un ami.